Lekerly ma vie en bleue
Le premier vol
Ce 10 octobre s’annonce de la meilleure des manières. La nuit a été calme, quand Franpa se réveille le ciel est dégagé.
A sept heures, il prend son café sur sa terrasse. En cette fin de nuit, les étoiles scintillent dans le ciel et comme à son habitude il cherche la constellation de la Petite Ourse. C’est son rituel, la Grande Ourse on la voit très vite mais, pour la Petite il faut un peu de patience.
Il y a quelques années, il avait décidé de mieux les connaître. Il s’était documenté. Il avait appris les grands classiques, puis il s’était arrêté pour passer sur un autre domaine. Franpa aime bien apprendre et avoir des connaissances sur des sujets divers. Mais il ne se spécialise jamais à fond, sauf peut-être pour sa passion……. La palombe.
Quand il arrive à la chasse Francis et Dédé ont déjà monté les appeaux. Le premier rayon de soleil n’est pas encore présent mais la motivation est là !!!
Voir les premières lueurs en prenant un deuxième café dans la cabane avec ses amis fait partie des magnifiques moments qu’il aime. Des moments simples mais des moments en or. Les petits plaisirs font les grands bonheurs. Franpa aime vivre ces
moments et surtout il sait bien les vivre en sachant apprécier chaque minute. Il en goûte chaque instant.
Depuis maintenant cinq jours, les observateurs de « palombes.com » commencent à annoncer des vols. Les nordistes du Nord et du Pas de Calais ont ouvert le bal, mais depuis deux jours les tout premiers vols sur le Gers et la Gironde sont comptabilisés.
La logique géographique est là et aujourd’hui ou demain les premières vont arriver.
Ce matin, Dédé décide de libérer les deux pigeons qu’il a emmenés en plus des appeaux classiques. Il ouvre la cage qui leur sert de maison depuis une semaine et les libère.
Dans beaucoup de chasses, il y a des pigeons comme eux, on les appelle les « volants ». Quand ils sont bien dressés, et quand un vol arrive on les libère à l’aide d’un système de trappes. Logiquement, ils font un ou deux tours au-dessus de la chasse et se posent sur leur arbre fétiche, pouvant ainsi attirer les vols de passage.
Ici à Capu, on n’a jamais été très doué. Mais la présence de ces deux volants est agréable. Ils sont surtout là pour faire passer le temps, on les appelle les deux « Morpions ». Souvent dans la journée, pour passer le temps, on les cherche en haut des arbres. On ne s’en occupe pas, le soir on ouvre leur
cage et ils reviennent pour s’alimenter. Qui sait peut-être qu’un jour on aura une bonne surprise en les voyant s’envoler et faire deux fois le tour de la chasse au moment ou un vol de migratrices est en approche. On n’y croit pas mais…… Qui sait ??
Patrick n’est pas là ce matin, pris par un rendez-vous personnel.
Sur les coups de dix heures c’est Franpa qui annonce le premier vol avec un « Une dizaine sur le 5 !!!! ». Dédé aux commandes des appeaux embraye avec un « C’est bon je les ai ».
Effectivement un petit vol de huit unités fonce directement sur la gauche de la chasse.
Dédé est tellement habitué à donner ses appeaux depuis des années que les dix mois d’inactivité ne lui ont rien enlevé. Il « attaque » le vol avec les trois va-et-vient de devant.
Très vite, le vol les repère, c’est indéniable, son allure a changé et les deux premiers oiseaux foncent directement sur la chasse. « Ce sont des rouquets….Fermez !!» ordonne Dédé.
En deux secondes, l’ensemble des ouvertures de la cabane garnies de branchages se rabattent, afin d’éviter aux chasseurs d’être repérés. Si maintenant, ils sont presque invisibles, le suivi du vol est lui beaucoup plus délicat.
« Ils ont loupé la pose, reprends-les avec l’appeau du champ »
« C’est bon je les ai, ils reviennent »
En l’espace de trente secondes l’excitation est à son zénith.
Le premier vol leur a permis de retrouver ces instants de folie où tout va très vite. Les rouquets sont vraiment de drôles d’oiseaux. Ils sont capables au premier coup d’appeaux de venir tous se poser directement sur le même pin, mais parfois ils tournent autour de la chasse deux ou trois fois et disparaissent. Et ce coup-ci, c’est ce qui arrive et on entend pour la première fois de la saison le « Et merde, ils ont glissé » sous-entendant le fait qu’on ne les reverra jamais.
Cette chasse est vraiment le type de chasse apaisée, remplie d’instants magiques ou en quelques secondes des décharges d’adrénaline se libèrent dans les corps. Et ceci pour tous les vols, qu’il y ait une ou trois cents palombes.
Franpa a gagné le concours du premier vol et comme souvent .... Il ne s’est pas arrêté.
Et effectivement, il ne reverra jamais ces rouquets et il ne saura jamais qu’il s’agissait des Bergström de Sälna.