Lekerly ma vie en bleue
La Saint-Michel
Le monde de la chasse à la palombe est historiquement réglé par trois dictons :
• A la Saint-Michel, tu montes les appeaux,
• A la Saint-Luc, c’est le grand truc,
• A la Saint-Martin c’est la fin.
Il y a quelques années les anciens établissaient ces trois adages résumant le déroulement de la migration.
Elle débute le 29 septembre, se termine le 11 novembre et le « pic » du passage est le 18 octobre.
Franpa sait qu’aujourd’hui la réalité est différente. Le réchauffement climatique est passé par là, tout a pris une bonne semaine de retard, mais comme tous les paloumayres, il aime les traditions. Alors, en ce 29 septembre où l’on fête les Michel, toute l’équipe est à Capu pour célébrer « l’ouverture officielle de la saison ».
Ce jour-là, ils amènent l’ensemble des dix-sept pigeons. Chacun a sa caisse bien propre au pied de son pin. Les va-et-vient sont deux par caisse. Ils vont s’adapter très vite à leur nouvelle maison qu’ils occuperont pendant deux bons mois.
Francis a soigneusement rempli leurs mangeoires de graines diverses et dans chacune se trouve un récipient rempli d’eau. Pendant toute la saison, c’est lui qui se charge du suivi.
Les pigeons sont bagués avec une couleur spécifique, ce qui permet à certains de retrouver « leur pin » de l’année précédente. Dans deux ou trois jours, ils seront en poste à vingt mètres de haut et l’on pourra voir leurs véritables aptitudes.
Dédé a emmené en plus deux pigeons de réserve, qu’il installe dans une caisse récemment construite.
Aujourd’hui n’est pas un véritable jour de chasse, mais nos amis passent bien une heure à se familiariser avec ce paysage qu’ils trouvent magnifique. Cet horizon qu’ils connaissent par cœur et qu’ils ne vont pas lâcher du regard pendant près de deux mois. C’est pour eux un plaisir de retrouver cette habitude. Et même s’il n’y a aucune palombe, ils s’enthousiasment dès qu’ils voient le passage de petits oiseaux.
Sur le coup des 10 heures, les quatre compères se dirigent vers les deux sols pour installer les filets. Le sol des pins est recouvert d’herbes et celui des chênes enfin bien plat.
Ils ne peuvent s’empêcher de penser au jour où ils les avaient enlevés. C’était le 20 novembre dernier. Ils appelaient ce jour, le jour de la « Libération ».
Cette date marque la fin d’autorisation de la chasse au filet et à Capu ce jour est aussi le dernier jour de chasse.
Pendant la saison ils attrapent des palombes vivantes.
Sur les vingt-cinq premières, cinq sont mises sur des barres pour servir rapidement de remplaçantes. Les autres sont placées en volière au domicile des chasseurs.
Ainsi, dès que le nombre est atteint, on a assez d’appeaux pour la prochaine saison. Du coup on n’a plus besoin des anciens.
Par tradition, depuis cinq ans, ce dernier jour de chasse est consacré à leur libération.
Pendant la saison quand tu vis de mauvaises journées (pas de passage, temps pourri…) tu as parfois un peu le blues mais ce n’est pas grave tu sais que le lendemain est un autre jour.
Mais le 20 novembre………Il n’y a pas de lendemain.
Cette journée est vraiment une journée où la nostalgie est à son zénith. Le seul moment qui l’égaye est l’instant de cette libération. Une bonne dizaine de palombes retrouvent la liberté. Bien sûr, comme elles n’ont pas volé depuis un an leurs réactions sont différentes, certaines filent tout droit
vers le ciel, d’autres se posent de suite sur les premières branches.
Mais finalement elles sont toutes libres. A chaque libération on leur dit « Bonne route ». Tous adorent ce cérémonial.
Chaque palombière a ses habitudes. Franpa aime beaucoup celle d’Etienne, un de ses amis, qui lors de sa première prise au filet embrasse la palombe avant de la relâcher. Qui sait peut-être une nouvelle tradition à mettre en place à Capu ? Il faut qu’il en parle à ses amis.
Les filets sont rapidement installés et testés. Les vieux ressorts fonctionnent à merveille et quand on actionne la barre de commande à l’intérieur du tunnel, les deux pantes des filets se déploient à très vite allure.
Le repas du midi est rapidement avalé, le vent s’est levé et comme le début de la saison ne fait que commencer, à 14 heures tous les chasseurs rentrent chez eux.
Tout est en place pour que les deux mois à venir soient magnifiques.