Lekerly ma vie en bleue
Cibòrz
Les 18 et 19 septembre sont deux journées entièrement consacrées à notre migration. Nous avons rapidement traversé l’Est du Danemark et sommes entrées en Allemagne.
Les forts vents d’Ouest-Sud-Ouest du 19 nous ont fait nous diriger vers l’est. Le soir du deuxième jour, nous avons dû faire une halte en Pologne au niveau de Cibòrz.
Nous avons dévié de l’axe de migration dit « scandinave », l’axe nous amène en France par la Hollande et la Belgique. Mais ce changement ne nous inquiète pas outre mesure. Nous savons que ce n’est pas grave, notre boussole intérieure va se mettre en action et elle va nous permettre d’arriver à notre destination.
En trois jours, nous avons survolé de multiples îles suédoises et danoises. Puis un très grand lac s’est présenté devant nous, nous l’avons traversé et nous sommes arrivés en Allemagne où nous avons trouvé de très grands champs. Le lac dont je vous parle est en réalité une mer, mais on volait tellement haut que l’on voyait l’autre rive à l’horizon.
Très rapidement, nous sommes passés en Pologne. Là-bas, les forêts sont denses.
Hier matin, une famille de trois palombes nous a rejoints, des Danoises, une famille très discrète, seule Karen la fille communique avec nous. Enfin quand je dis avec nous je devrais plutôt dire avec Ioda. C’est la première fois que je vois mon frère parler autant avec une fille. Depuis qu’il est sorti du nid il est toujours avec les garçons.
Ce changement a beaucoup surpris maman, elle ne me l’a pas dit, mais je l’ai vu dans ses yeux.
Lors de notre arrivée à Cibòrz, papa nous réunit. Il nous dit que les forts vents d’Ouest risquent de nous amener quelques jours de mauvais temps. Alors il décide que nous allons rester dans ce coin de Pologne quelques jours avant de reprendre notre long voyage.
Cette nouvelle est accueillie avec plaisir par l’ensemble de l’équipe. Nous volons déjà depuis trois jours et lors de cette dernière journée, nous avons lutté contre un fort vent de face. Nos organismes sont fatigués.
Tôt ce matin, j’ai vu un vol de grues qui comme nous est en migration. Elles volent plus haut et leur groupe formait un grand V. Astrid m’en avait déjà parlé, elle m’avait expliqué que le fait de voler de cette manière leur permet de dépenser moins d’énergie.
Je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas pareil. C’est sûrement une question de taille, car elles sont beaucoup plus grandes que nous.
Elles sont majestueuses, j’adore les voir en vol. Toutefois, je les trouve un peu spéciales. En effet, elles ont l’habitude de pousser des cris tout en volant. Elles sont très bruyantes, on n’entend qu’elles. Ce matin avec Leila on les a cherchées une bonne minute avant de les découvrir.
Après trente minutes de repos, il est important que l’on s’alimente. Une migration comme la nôtre « ça creuse ».
Nous n’avons pas trouvé de champs de céréales. Heureusement, il y a de nombreux chênes avec beaucoup de glands. Les glands sont très nutritifs. Par contre, avant qu’ils ne soient consommables par notre organisme il faut bien attendre vingt-quatre heures. En effet lorsqu’on les avale, ils sont stockés dans notre jabot et leur digestion est assez lente.
Donc pour nous redonner rapidement un peu de force notre premier repas est composé de petites herbes et de petits insectes.
Nous sommes maintenant un groupe de quatorze palombes. Ioda qui est un spécialiste en recherche de nourriture est parti avec Karen. Je suis très surprise. Discrètement je les cherche. Rapidement je les découvre. Ils sont en train de manger des petites baies rouges dans un tout petit arbre. Je les rejoins
et je goûte moi aussi les baies, elles sont délicieuses. Je suis donc allée chercher le reste du groupe et nous nous sommes régalés.
Il est vraiment surprenant mon frère, il trouve de superbes baies et il n’en parle qu’à cette nouvelle palombe qu’il ne connaît que depuis deux jours.
Bizarre Ioda, bizarre !!!!
Papa, lui, est dans l’embarras. Il n’arrive pas à repérer un bon dortoir. Ici, la forêt est très dense et avec le mauvais temps qui s’installe, l’obscurité est propice à l’attaque de prédateurs. Il m’avoue ne pas avoir de solution. Ne connaissant pas cette végétation, très différente de celle de Sälna, je lui propose d’aller chercher des locales et de leur demander. L’idée lui plaît.
Nous prévenons le groupe qui picore dans la prairie et nous partons en reconnaissance. Un quart d’heure plus tard nous tombons sur des Polonaises qui nous accueillent à « ailes ouvertes ». Le soir même, toute l’équipe se réunit dans une petite forêt bien protégée des vents. Nous passons une superbe nuit.
Chez nous les palombes, quelle que soit la nationalité, la solidarité est une évidence.